L’Origine

Avant la Révolution, le terme de « santi belli » ou « beau saint » correspondait aux cris poussés par les marchands ambulants italiens qui faisaient la promotion de leurs figurines de plâtre ou de cire, à usage domestique.
Ils permettaient ainsi aux particuliers d’acquérir en modèle réduit des statues religieuses d’églises. Les marchands italiens dominaient le marché, en concurrence avec les colporteurs tyroliens qui sculptaient dans le bois.

 

Au début du XIXème siècle, le véritable Santibelli voit le jour dans les ateliers de Marseille. Il s’agit de statuettes en argile, religieuses ou profanes, que l’on présente généralement sous des globes de verre.
Ce santibelli provençal va seulement perdurer jusque vers 1880, en partie victime de la concurrence des artisans italiens et des productions industrielles en biscuit ou en alliages métalliques.
Il mesure généralement entre 19 et 35 cm de haut.
D’après les archives, les premiers « fabricants de figures » sont des artisans faïenciers dotés de fours et d’un savoir-faire, permettant le moulage et la cuisson des pièces.

Les Ateliers-boutiques

Ils sont peu nombreux et on les retrouve principalement autour du port de Marseille. C’est une communauté soudée qui se coopte entre elle à tel point que les ouvriers finissent par succéder à leurs patrons.

Quelques noms connus sont parvenus jusqu’à nous : Batelier & fils, Antoine Simon, Esprit Bremond l’Aîné, Miault, Joseph-Marius Levin, etc……

Outre les ateliers, les figuristes qui n’avaient pas pignon sur rue, pouvaient vendre leurs productions lors des « foires aux crèches » d’où une confusion qui perdurera longtemps dans l’esprit des gens, non seulement entre santibelli de plâtre et santibelli d’argile, mais également entre santons et santibelli. Car certains santons, à l’origine une production destinée aux enfants, ont les dimensions de petits santibelli.

 

La Fabrication

Le santibelli est fabriqué à l’aide d’un moule à bon creux, qui permet de tirer des épreuves à de multiples exemplaires. Ce moule est constitué de plusieurs pièces mobiles et réalisé par des artisans qualifiés capables de décomposer le modèle à reproduire en une série de pièces de « dépouille », faciles à ôter lors du démoulage. Puis, il devait « parer » les pièces, c’est à dire enlever les parties inutiles pour qu’elles s’emboîtent « à recouvrement ». Enfin, lors du démoulage, il doit supprimer les petits boudins qui apparaissent aux jointures, lors du « réparage », et faire disparaître les coutures obtenues dans les détails vestimentaires ou dans les chevelures.
En dehors du moule principal, les membres et accessoires sont moulés à part, rapportés et collés à la barbotine (argile et eau) sur la figurine.

La technique de moulage est un façonnage d’argile par pression régulière avec les doigts, dans le creux de chaque partie du moule. Puis, on réunit chaque partie du moule à l’aide d’une chape. L’argile est égalisée sur les lignes de suture, puis on ajuste les parties en les serrant par pressage manuel. Lorsque l’argile se détache du moule, l’épreuve est démoulée : elle est creuse et porte les traces digitales du façonnage. On peut ensuite la retoucher et ajouter les éléments rapportés, moulés « à la balle », à partir d’une petite boule d’argile, et donc pleines.

Vient ensuite la cuisson qui s’effectue dans un local pourvu d’un four. Pour éviter tout risque d’éclatement, on perforait les santibelli de trous d’évent, sur le socle, les épaules ou le sommet de la tête, afin de permettre à l’air de circuler durant la cuisson. On les comblait ensuite à l’aide d’argile.

Le décor final

Outre les carnations toujours peintes, on trouve deux types de finitions pour les vêtements et les socles : la peinture ou la dorure.

Les ateliers proposaient souvent deux versions d’un même sujet : l’une peinte et l’autre, dorée et par conséquent plus chère.

La peinture
C’est une peinture à la colle, à base de pigments broyés, qui se maintient dans le temps, dans la mesure où la figurine est restée à l’abri des intempéries.
On applique au préalable un mélange de gélatine ou de colle de peau de gant qui permet d’affermir l’argile.

La dorure
La figurine est recouverte de mixtion à l’huile pour une meilleure adhésion de la feuille d’or et une apparence patinée.

Ensuite, deux techniques existent :
1- dorure partielle

-une dorure à la poudre pour un rendu mat, sur quelques parties du vêtement de pièces déjà polychromes.

-une dorure à la feuille pour un rendu brillant et rougeâtre, destinée aux plis d’un manteau ou d’une ceinture.

2- dorure totale
Certaines pièces sont entièrement recouvertes de dorure, à base de poudre de cuivre, socles compris.

Généralement, le revers des santibelli religieux ne comporte aucune finition, n’étant pas destinés à être vus, car souvent pourvus à l’origine d’une parure de tissu, à quoi s’ajoutent des bouquets de fleurs fixés sur des tiges de fer et plantés dans les trous des socles, de part et d’autre du santibelli.

Les Types de Santibellis

Ils sont essentiellement de deux types – religieux ou profanes – parmi lesquels on trouve des sous-catégories :

Les sujets religieux :
-le Christ représenté en Croix ou bien Enfant, pour lequel il existait une vive concurrence des sculpteurs sur bois ou ivoire

-le thème de la Vierge de Pitié qui présente deux modèles : la Vierge et le Christ d’une part, et la Vierge et le Christ, accompagnés de deux anges.

-la Vierge à l’Enfant, qui est réalisée selon deux modèles de vierge provençale : celle de la Vierge au bouquet (ND de la Garde) et celle de la chapelle Notre-Dame-du-Château d’Allauch, selon que l’Enfant tienne le globe de la main gauche ou droite et bénisse de l’autre.

-la Vierge de Miséricorde ou Vierge au Manteau : la Vierge est debout, les bras écartés et elle écrase du pied le serpent du péché originel.

-les saints et saintes : st Joseph, st Jean-Baptiste, st Anne, ste Marie-Madeleine, st Antoine et d’autres moins fréquents, tels st Sébastien, st Charles Borromée, st Louis…..

Les sujets profanes :
-les hommes illustres : Napoléon, Voltaire, Jean-Jacques Rousseau

Ils sont moins répandus que les sujets religieux et donc plus recherchés.
C’est le cas du santibelli à l’effigie de Napoléon que nous présentons ici
Il est représenté tel que l’image d’Epinal le fixera après son règne : debout, les bras croisés, vêtu d’une veste à épaulettes et d’un chapeau, il médite sur son destin comme le rappellent les inscriptions – Wagram, Waterloo – inscrites sur un socle, au-dessus duquel trône l’aigle impérial.
Il est entièrement recouvert de dorure, à l’exception du visage et du revers.
Le type de modèle choisi permet de déterminer qu’il a été réalisé dans la deuxième moitié du XIXème siècle, au moment où le « retour des cendres », la création de son tombeau (1840) et le Second Empire (1852-1870) vont raviver son souvenir.

-les types sociaux, qui mettent en scène des provençaux, souvent représentés en couples : berger et sa bergère, jardiniers, fileuses, un chasseur et son chien, un dresseur de marmottes, etc……

-les personnages exotiques : Diane chasseresse, des couples d’orientaux qui s’inspirent des décors de « turqueries » des faïenciers, danseurs de castagnettes,

Dans le dernier tiers du XIXème siècle, les fabricants de santibellis vont être soumis à la concurrence des productions industrielles en biscuit et en porcelaine et seront incapables de se renouveler pour y faire face. La figure du santibelli va peu à peu s’effacer des mémoires et ne sera redécouvert qu’au début des années 70.