Qu'est-ce que le bois de sainte-Lucie?

Il s’agit d’un bois dur, sans fil aux nuances rouges, provenant d’un cerisier sauvage. On le trouve dans la forêt de Sampigny (Vosges) où l’on dit que sainte Lucie, fille d’un roi d’Ecosse, planta sa quenouille en terre, y faisant pousser un merisier. De ce « bois de sainte Lucie », on commença à façonner des grains de chapelet, objets de dévotion vendus dans les sanctuaires mariaux environnants (Ex : Benoîtevaux) et d’autant plus popularisés durant les périodes troublées (épidémies de peste et guerres) touchant le duché de Lorraine au XVIIème siècle.

 

C’est, semble-t-il un bénédictin, Dom Calmet (1672-1757) qui évoque le premier, le travail sur bois de sainte-Lucie dans un texte paru en 1751, dans la « Bibliothèque Lorraine » : « On fait beaucoup de petits ouvrages en bois de sainte-Lucie et qui occupent plusieurs ouvriers. Les Foulon étaient fort connus autrefois et avaient fait quantité d’ouvrages pour le Dauphin, fils de Louis XIV. »

Cette famille d’artistes travaillait avec César Bagard (1620-1709), sculpteur à Nancy, d’œuvres conséquentes en pierre, et en bois, qui lui valent le nom de « Grand César » et dont le patronyme « Bagard » restera synonyme de « bois de Sainte-Lucie ».

Pourquoi un tel engouement pour le bois de sainte-Lucie?

Pour financer les guerres coûteuses(Guerres de la Ligue d’Augsbourg) de la monarchie, Louis XIV ordonne à ses sujets en 1689 puis, en 1709, de fondre leur mobilier et leurs objets d’or et d’argent. Les amateurs vont donc jeter leur dévolu sur le bois de Sainte-Lucie qui se prête à merveille à des ciselures aussi fines que celles des orfèvres. Sa dureté et le savoir-faire des artistes permettent en effet d’imiter parfaitement les formes et dessins des objets en argent. Il est de plus, moins cassant que la laque et moins coûteux que l’ivoire.

C’est dans le duché de Lorraine, et donc à Nancy, sa capitale, que vont se développer et prospérer les principaux ateliers de production de bois de sainte-Lucie avec César Bagard, les Foulon, Chassel, Vallier, Lupot, etc…….

Connus et appréciés en Lorraine et à la Cour, les objets en bois de Sainte-Lucie sont également prisés dans toute l’Europe. La ville de Nancy en offrait du reste comme cadeaux à ses hôtes de marque.

Cet engouement va perdurer jusqu’au milieu du XVIIIème siècle.

Quelles réalisations?

Les premiers objets réalisés en bois de sainte-Lucie sont des objets religieux : des chapelets comme dit précédemment, des têtes de Christ ou de la Vierge ou des statuettes de saints. On trouve également des crucifix, soit sur des piédestaux, soit accrochés sur un fond de velours, dans un cadre aux moulures inversées, comme celui que la Galerie présente ici (rubrique « sculptures ») : le Christ est sur la croix, avec, à ses pieds à gauche, Marie Madeleine agenouillée, une main sur la poitrine, l’autre tenant un linge.

Ce thème de la crucifixion est du reste l’objet de la plus ancienne indication de commande d’une statuette en sainte-Lucie, grâce au contrat passé entre Charles Chassel et la ville de Nancy en 1661, pour une Crucifixion à destination du prince de Lillebonne.

 

Par la suite, l’absence de métaux précieux et l’extrême qualité du bois de sainte-Lucie favorisent les commandes d’objets profanes, tels les coffrets à perruques ou à bijoux, les boîtes à poudre, les chandeliers, cadres de miroir et dessus de brosses, écritoires, râpes à tabac ou pièces d’échec, des objets de petite dimension dont l’atelier de Nicolas Foulon (1628-1698) qualifié de « sculpteurs en petit » s’était fait une spécialité.

Il existe également des réalisations de plus grande envergure, dont certaines signées, associées à  César Bagard (1620-1709)

Sculpteur préféré de Charles IV, duc de Lorraine, il va réaliser nombre de sculptures ou de panneaux religieux, dont une Cène (Burghley House, Angleterre), un saint Jean de la Croix (Musée lorrain de Nancy) ou bien encore une statue de Georges d’Aubusson, évêque de Metz.

Et malgré la multitude d’ateliers existant, c’est le nom de César Bagard ou la dénomination « bois de Bagard » qui passera à la postérité et perdure jusqu’à aujourd’hui.

Car les ouvrages en bois de sainte-Lucie ou bois de Bagard sont toujours très appréciés des connaisseurs.