Memento Mori
Au Moyen Age et à la Renaissance, les sols des églises, châteaux et maisons princières sont souvent décorés de pavements colorés. Il s’agit d’une tradition qui remonte à l’Antiquité (1), où la décoration de l’espace englobe aussi les sols, tradition qui se perpétue jusqu’au XVIIème siècle.
Il est important de considérer le carreau comme faisant partie d’un tout – et non comme un élément isolé – destiné à s’intégrer dans une composition qui prend tout son sens, si l’on considère à la fois, son lieu de destination, le commanditaire de l’œuvre et le programme iconographique prévu.
Au fil du temps, les couleurs et techniques utilisées vont évoluer : parallèlement aux carreaux monochromes et bichromes glaçurés à base de plomb (plombifère), on voit apparaître les carreaux de faïence à base d’étain (stanifère) à décor vert et brun, le bleu cobalt émergeant plus tardivement. On retrouve par ailleurs fréquemment des exemplaires de l’une ou l’autre technique dans un même ensemble de pavements.
Les motifs utilisés vont également se transformer : composés de figures géométriques au XIIème siècle, les ensembles pavés vont rapidement adopter une iconographie beaucoup plus variée aux XIVème et XVème siècles, mêlant animaux fantastiques, personnages de l’Antiquité, scènes de chasse, armoiries, emblèmes, devises, etc…….
A propos de celles-ci, on peut s’arrêter plus particulièrement sur le thème du « memento mori » (du latin « souviens toi que tu vas mourir ») ou Vanité, dont la galerie présente un exemplaire (cf rubrique « objets d’art« ).
Un carreau similaire (2) a été retrouvé dans le décor du pavement du chœur de l’église de Brou, voulu et réalisé sous l’égide de Marguerite d’Autriche, duchesse de Savoie, puis régente des Pays Bas. C’est là en effet qu’elle et son mari, Philibert le Beau sont enterrés.
En dépit du faible pourcentage de carreaux retrouvés (200 sur 9000 environ), des hypothèses ont été faites pour tenter de reconstituer la place de chacun d’eux dans l’assemblage final, afin d’identifier le thème principal de la composition. La thématique générale du monastère de Brou évoquant « le Triomphe de la Mort », on est parvenu à la conclusion que cette Vanité, comme d’autres devises du même type, trouvait probablement sa place au centre des compositions (3), les carreaux évoquant quant à eux la généalogie de Marguerite d’Autriche et de son mari, rayonnant autour.
C’est d’une manière générale l’occasion de replacer la Mort au centre de la vie humaine, en rappelant la fugacité de notre existence.
En définitive on peut donc supposer que la Vanité présentée ici a pu s’insérer dans le même genre de composition que celle évoquée dans le monastère de Brou.
Notes
(1) Vanités de Caravage à Damien Hirst – Connaissance des arts – HS N°435 – p3
(2)Images du pouvoir – pavements de faïence en France du XIIIème au XVIIème siècle – RMN – Juin 2000 – p123, fig 2f
(3) Images du pouvoir – pavements de faïence en France du XIIIème au XVIIème siècle – RMN – Juin 2000 – p128, fig 10 &11
Bibliographie
Images du pouvoir – pavements de faïence en France du XIIIème au XVIIème siècle – RMN – Juin 2000
Vanités de Caravage à Damien Hirst – Connaissance des arts HS N°435
Memento Mori
During the Middle Ages and the Renaissance, the floors of churches, castles and princely mansions were often decorated with colored tiles. This tradition dates back to Antiquity (1) and continues until the 17th century. Interior decoration during this period always included painted floors – which were considered an important part of the total look of the room.
The tile is an integral part of the composition. It cannot be considered unto itself. The tile only makes sense when we understand for what site it was destinated, the person who ordered it and the subject of the whole composition.
As time went by, colors and techniques changed: while monochrome and bichrome tiles were made from lead glaze, simultaneously, earthenware tiles were made from tin with green and brown decorations and cobalt blue appeared at a later date. Examples of both techniques could sometimes be found on the same composition.
The motifs also changed: in the 12th century they were mainly geometric figures and became much more varied in the 14th and 15th centuries, mixing fantastic animal figures, figures from Antiquity, hunting scenes, emblems, heraldry, motti, etc.
We’ll primarily discuss the theme of motti or Memento Mori – (Latin for « Remember, you are going to die »), because we have an example on the website.
A similar tile (2) was found in the floor’s decoration of the choir of Brou’s church, decoration wanted and ordered by Marguerite of Austria, duchess of Savoy, then Regent of Netherlands. She and her husband, Philibert the Handsome are buried in the church at Brou.
In spite of the low number of tiles found (200 out of 9000), some hypothesis were made in order to help piece together the exact place of each tile in their original composition, so as to identify the main topic. Upon studying the theme of Brou’s monastery, « Death’s Victory », we come to the conclusion that this Vanity, like others motti, found its place in the middle of the composition (3), tiles evoking Marguerite of Austria and her husband’s genealogy radiating around.
In a general way, it’s the opportunity to put Death in the middle of human life, remembering that life is ephemeral.
Finally, we can suppose that the Vanity presented here might have been inserted in the same type of composition as in Brou’s church.
Notes
(1) Vanités de Caravage à Damien Hirst – Connaissance des arts – HS N°435 – p3
(2)Images du pouvoir – pavements de faïence en France du XIIIème au XVIIème siècle – RMN – Juin 2000 – p123, fig 2f
(3) Images du pouvoir – pavements de faïence en France du XIIIème au XVIIème siècle – RMN – Juin 2000 – p128, fig 10 &11
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